201-Direction la Perse

Apres quelques mois passés en France, nous décidons de partir au Moyen Orient, et plus précisément  l’Iran.

Voilà un pays un peu mystérieux qui provoque 'en même temps' ( tiens, cette expression me rappelle quelqu’un!) un sentiment de rejet du fait du climat politique et social, et un sentiment d’attirance par le souvenir de la grande civilisation perse que nous apprenions à connaitre dans nos livres d’histoire en 6ème, au même titre que les égyptiens, les grecs et les romains.

A l’évocation du mot « Perse », plusieurs personnages nous reviennent en mémoire comme Darius, Xerxes ou Alexandre le grand, même si nous sommes bien incapables d’en dire davantage. A l’évocation du mot « Iran », ce sont les villes de Ispahan ou Shiraz qui nous viennent en tête avec l’idée d’un petit paradis sur terre.

Malgré la guerre de religion que se livre les chiites iraniens et les sunnites saoudiens et leurs alliés, malgré la terreur imposée par Daech, et contrairement aux idées reçues, le site du Ministère des Affaires Etrangères ne classe pas l’Iran comme pays à risques élevés mises à part la zone frontalière de l’Irak et la partie sud est du pays proche de l’Afghanistan et du Pakistan.

C’est donc à peine avec une petite appréhension mâtée d’un peu d’exaltation, que nous nous dirigerons vers ce pays grand comme 3 fois fois la France et peuplé de 83M d’habitants.

Nous en profiterons pour visiter l’Armènie et la Georgie, deux pays de faible superficie au nord de l’Iran. 

Le trajet est donc tout tracé: 

Italie jusqu’à Ancône, traversée en ferry jusqu’à Igoumenitsa en Grèce, puis Turquie, Iran, Arménie, Géorgie, et retour via la Turquie et la Grèce.

 

202-Formalités

Pour les individus, un visa est nécessaire. Il s’obtient soit à l’aéroport de Teheran à l’arrivée dans le pays soit au Consulat de la République Islamique d’Iran à Paris. Il est de 1 mois, éventuellement prolongeable de 2 semaines dans l’une des villes principales du pays comme Teheran, Ispahan, Chiraz ou Tabriz, mais au maximum 4 jours avant la fin de validité. Il est en principe acquis mais en cas de refus possible, il vaut mieux n’être pas trop loin d’une frontière. Nous aviserons sur place.

La présentation de demande de visa nécessite un numéro d’accréditation. On peut l’obtenir par internet en une huitaine de jours auprès d’une agence de voyage comme http://persevoyages.fr.

Muni des documents demandés, il vous faut aller à Paris au Consulat car vous devez laisser les empreintes de vos dix doigts. Les bureaux sont ouverts de 9h. à 12h. 

Il faut donc se rendre à Paris au moins la veille afin d’être le lendemain à l’ouverture des bureaux.

Arrivés à 8h30, une file d’attente importante nous attendait et nous n’avons obtenu que les numéros d’ordre 50 et 51. A 11h nous avions encore plusieurs personnes devant nous. Nous commencions à stresser car si nous ne pouvons présenter notre demande ce matin là, il nous faudra réserver une nouvelle nuit d’hôtel et modifier notre retour en TGV. Fort heureusement, nous avons réussi à savoir que, une fois a l’intérieur, toute personne est prise en compte même s’il est passé midi. Et c’est à 12h05 que nous avons pu déposer nos demandes auprès d’une charmante jeune femme voilée comme il se doit. Réception attendu des passeports munis de leurs visas après une dizaine de jours. 

Pour le véhicule, il faut obligatoirement un carnet de passage en douane dans le but, pour le gouvernement iranien que celui-ci ne sera ni vendu ni ne restera dans le pays. Ce document s’obtient auprès de l’Automobile club de France à Paris. Il est valable 1 an. Le carnet est rempli à l’entrée du pays par la douane, puis à la sortie sous moins d’un an de façon à justifier son exportation. Au retour en France il faut se rendre à la Mairie du domicile pour bien justifier le retour du véhicule en France, faute de quoi on ne vous rendra pas la caution que vous avez laissée avant de partir. Oui, c’est là le souci; il faut déposer une caution bancaire à l’Automobile Club de 1,5  fois la valeur argus du dit véhicule. 

Prévoir donc 1 mois pour l’ensemble des formalités.

Reste à fixer la date de départ, sachant que nous avons deux contraintes. Cette année 2017, le mois du Ramadan commence le 27 mai. Pendant cette période, le pays vit au ralenti. Les restaurants sont fermés la journée, exceptés certains dans les très grandes villes touristiques. Si nous voulons éviter cette période et sachant que nous aurons un visa de 1 mois, il faut donc entrer dans le pays avant le 26 avril. Compte tenu des 4000km pour y arriver, et avec une moyenne journalière difficilement  supérieure à 400km avec notre Toyota, il nous faut partir au plus tard le 15 avril.

L’autre contrainte est d’ordre météorologique. Il faut de préférence éviter l’hiver dans ce pays montagneux dont l’altitude moyenne est de 1000m., et qui possède 4 sommets de plus de 4000m. dont le Damavand qui domine fièrement Teheran du haut de ses 5671 mètres. On note sur la carte topographique ci-dessous que les pays frontaliers de l'Iran, comme la Turquie, l'Arménie et surtout la Géorgie sont également très montagneux.

Finalement c’est le 12 avril que nous débutons le périple. 

Nous rejoindrons à la frontière nos amis Claude et Nicole avec qui nous avions déjà voyagé en Amérique du sud, de la Guyane au Chili en passant par Ushuaia.

203- En route!

Trois jours avant la date prévue de départ, nous avons acheté sur internet nos billets pour la traversée Italie-Grèce. La compagnie Minoan nous a donné toute satisfaction. Il est préférable de prendre les billets directement sur leur site plutôt que par des intermédiaires genre Directferry ou Aferry. Pour 260 euros, nous avons eu droit à une cabine 2 personnes en sus du passage du véhicule ( 520x200x250cm.) et de notre fidèle compagnon à quatre pattes, pour un aller simple Ancône-Igoumenitsa. Le ferry permet d’économiser 600km d’autoroute, le passage de plusieurs frontières et de la fatigue. Les opérations d’embarquement des véhicules sont toujours aussi impressionnantes. On ne peut qu’admirer les prouesses des chauffeurs de poids lourds avec remorques et semi-remorques qui doivent se glisser en marche arrière entre les camions de leurs collègues. Le ferry était bien chargé puisque des camions ont dû stationner sur la rampe d’accès au deuxième étage. Toutes ces manoeuvres de débarquement et embarquement font que le ferry quitte le quai à 18h4( au lieu de 16h30. Débarqués à 11h45 à Igoumenitsa, l’autoroute permet d’être à proximité de la frontière turque le soir avec un bon véhicule.  Grâce à l’autoroute et malgré notre toyota chargé de sa cellule et qui roule à 85/90 km/h, nous avons pu effectuer un bivouac à 90 km à l’est de Thessalonique sur une jolie plage à proximité de Amphipoli, à 250km de la Turquie. auparavant nous avons eu droit à notre moment de stress. Après une courte pause sur une aire de l'autoroute, nous redemarrons pour prendre du gasoil à la station 200m. plus loin. C'est là que Martine s'apercoit qu'elle a oublié son sac à main avec tout ses papiers. Retour en courant sur l'aire de repos. Rien; ni à l'intérieur du café, ni sur sa terrasse!

Finalement une dame nous le ramène. Elle l'a retrouvé accroché à une patère des toilettes, ce que Martine ne fait jamais. Bonne leçon: ne jamais se départir de ses affaires.

 

 

204-Turquie-Amasya

Le passage de la douane turque fut une simple formalité et après un arrêt à la ville frontière d’Ipsala pour faire un peu de change, nous poursuivons la route jusqu’au camping « Istanbul mocamp » que nous connaissons déjà. Bien que à 60km. du centre d'Istanbul il en est le plus proche. Nous y rencontrons un sympathique duo de jeunes madrilènes se rendant au Japon avec leur vieux minibus sommairement aménagé. Au vu du coût de la traversée en ferry, ils pensent l’abandonner ou le vendre à Vladivostok et prendre ensuite un bateau.
Pour notre part nous voulons, grâce à l’autoroute de contournement, éviter l’immense métropole d’Istanbul qui s’étire sur une centaine de kilomètres . Contrairement à l’Europe, les voies sont libres, sans barrières et il n’y a pas de guichets aux péages. Avant d’emprunter une autoroute, il faut coller sur son pare brise une vignette à code barres qui sera lue par une camera placée sur le portique d’entrée lors de son passage à vitesse réduite . La première chose à faire pour nous, est d’aller à Selimpasa, la ville la plus proche, où se trouve le bureau de poste, afin de se la procurer. Enregistrement du passeport et chargement de quelques livres turques sur notre compte. Au passage des portiques d’autoroutes, le montant dû est débité et le solde restant est affiché sur un cadran. Bien que l’état des routes y soit excellent,  le coût des péages est sans commune mesure avec les tarifs en vigueur en France .
Poursuivant notre chemin sur une très belle route gratuite à 2x2 voies serpentant sur un plateau entre 900 et 1100m. d’altitude, nous faisons un peu de tourisme dans la jolie et sympathique ville de Amasya, bâtie sur un site à 150km au sud de la mer noire et habité depuis 5500 ans avant J.C. . Le royaume pontique ( 333-26 avant J.C.) était un royaume hellène qui combattait Rome. Les tombeaux des rois du Pont sont creusées dans la roche de la falaise qui domine le fleuve Yesilirmak mais le chemin d’accès ne nous dévoilera que des cavernes vides de toute décoration. Plus tard les ottomans construiront de belles maisons à colombage au pied de la falaise au sommet de laquelle trône fièrement un château fort.
Deux  illustres personnages font la fierté de la ville.

Le grec Strabon y est né en 63 avant J.C.. Historien et géographe, ses études l’ont mené de l’Europe à l’Asie en passant par l’Afrique du nord. L’autre personnalité est Mustafa Kemal Atatürk qui organisa ici la lutte pour l’indépendance de la Turquie dont il deviendra le premier président de 1923 à 1938.
Pour l’anecdote, certains historiens pensent que c’est à Amasya en -47 que Jules Cesar prononça sa célèbre phrase « Veni, vidi, vici »,  après sa victoire sur le roi pontin Pharnace II.

205-Turquie-Dogubayazit

Le Palais Ishak Pasa et Dogubayazit en toile de fond
Le Palais Ishak Pasa et Dogubayazit en toile de fond

La belle route à 2x2 voies se poursuit dans cette région désertique d’Anatolie orientale très  peu peuplée. Le paysage est fait de montagnes pelées sur fond de montagnes enneigées. Nous voici bientôt sur un vaste plateau à environ 1500m. d’altitude. Un arrêt déjeuner à Erzurum nous permet de visiter la medressa Cifte Minarelli qui fait la fierté de la cité. Il s’agit d’une ancienne école coranique du XIIIème siècle, dont la porte d’entrée est encadrée de deux minarets.
A une trentaine de kilomètres de la frontière nous atteignons au coucher du soleil la ville de Dogubayazit dominée par le palais Ishak Pasa. Achevé en 1784, il possédait un harem de 24 pièces dont la température était régulée par un chauffage central bien utile à 1935m. d’altitude. Du palais, nous ne pouvons apercevoir les 5137m du Mont Ararat cachés à sa droite par une petite montagne. Au loin, les montagnes enneigées de l'Akpinar Tepesi culminent à 3196m.
C’est ici que nous avons rendez vous avec nos amis Claude et Nicole, partis une semaine avant nous, raison pour laquelle nous avons beaucoup roulé.
Nous aurons mis 8 jours pour faire les 4000km séparant la Haute Savoie de la frontière iranienne. Finalement, l’Iran n’est pas si loin…

206-Frontière Iran-Bazargan

Le passage de la frontière Turquie-Iran est possible en deux endroits: Bazargan et Kapikoy, 200km plus au sud. Nous ne parlons pas de la troisième douane, encore plus au sud, à Esendere, qui se trouve en zone rouge. Kapikoy à l’avantage d’être petite, donc peu de monde, mais l’inconvénient d’être à 3200m d’altitude avec risque de fermeture dû à la neige. Malgré le risque d’une importante circulation, nous choisissons Bazargan qui est internationale et ouverte en permanence. .
Ce samedi 22 avril, très peu de monde. Nous remontons une file de camions en attente et la sortie de Turquie se révèle une simple formalité. Une barrière grillagée s’ouvre et se referme derrière nous. Nous sommes en Iran. Deux autocars sont déjà en attente. Un homme vient à notre rencontre et nous fait signe de le suivre à l’intérieur. Les vêtements des uns et des autres permettent difficilement de savoir s’il s’agit d’un officiel ou d’un ‘facilitateur’. Là, une centaine de personnes turques et iraniennes attendent leur tour pour faire tamponner leur passeport. Pour ce faire, femmes et hommes doivent se séparer sur deux files indiennes. Sur une dizaine de mètres, de larges barreaux d’environ 2,50m de haut, espacés de 15cm environ démarquent les deux files d’attente. Les étroites files femmes et hommes sont séparées d’environ 2m pour éviter tout contact. En principe un douanier est à chaque extrémité, mais ce jour là, un seul officiait. L’attente étant particulièrement longue et les hommes, beaucoup plus nombreux, avancaient  également dans la file dévolue aux femmes ce qui leur valu des remontrances des gardes. Mais personne ne bougea. Notre individu nous fit moult signes d’avancer dans la file dévolue aux femmes en forçant le passage ce qui était fort gênant pour nous qui devions nous confondre en excuses. Devant nous une femme portant bébé sur un bras et bagages sur l’autre, refusa avec juste raison de céder le passage ce que nous comprenons parfaitement. Une fois les passeports tamponnés, une hôtesse iranienne nous appela dans son bureau pour relever nos identités et adresses, y compris nom et prénom du père. Tout fut noté sur un carnet  devant le bel écran de son ordinateur. En fait elle était simplement chargée de nous donner de la documentation touristique sur Maku, première ville après la frontière. Elle insista pour que ne n’acceptions de changer nos euros que sur la base de 40000 rials pour 1 euro et pas moins. Conseil fort utile puisque, à l’extérieur, un homme ne nous proposa que 34000 rials pour 1 euro. Quant à la personne qui nous avait ‘aidé’ dans ce parcours, il s’avéra qu’il s’agissait bien d’un ‘facilitateur’ puisqu’il nous demanda 25euros. Restait le carnet de passage en douane à remplir puis à le faire contresigner 2km plus loin. Deux heures après notre entrée en Iran, la barrière de sortie de la zone douanière s’est enfin levée.
C’est dans ces moments que l’on percoit la chance inouïe que nous avons en Europe de circuler dans un espace Schengen de libre circulation des personnes et des biens, même s'il y a des ajustements à réaliser. Cela nous permet aussi d’appréhender un tout petit peu la vie de tous ces gens parqués derrière des barreaux, attendant sous la chaleur et dans la promiscuité un hypothétique passage vers une vie qui se voudrait meilleure.

207-Saint Thaddée - Saint Stephanos

Quand on pense Iran, on ne ne pense pas forcément christianisme. Pourtant on oublie que la partie nord ouest de l’Iran, ancienne région de l’Arménie, fut une des premières régions du monde où s’établit la religion chrétienne. L’apôtre Thadée aurait pris l’initiative de construire une église, Ghara Kelisa, en 66 après J.C..à une vingtaine de km au sud est de Maku dans une région isolée. Mort en martyr, il y est enterré. L’église en pierres noires et blanches a été plusieurs fois remaniée entre le Xème et le XIXème siècle. Elle figure sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008. Une autre église inscrite elle aussi au Patrimoine mondial, Saint Stephanos (ou St Etienne), se trouve à quelques km de distance, près de Jolfa, à la frontière de l’Azerbaïdjan. 

Par un hasard de notre parcours, ces deux églises seront les monuments que nous visiterons en premier et en dernier en Iran.

 

Dans les deux cas ce sera l’occasion de rencontrer des familles azeries iraniennes qui viendront spontanément à nous, toutes heureuses de rencontrer des étrangers. Notre arrêt à St Thaddée sera la première occasion d’être pris en photo à leur demande. Loin d’être une cas isolé, chaque arrêt sera l’occasion d’être pris en photo par ces iraniens qui manifestent leur joie avec beaucoup de spontanéité. Les rôles sont inversés. En pénétrant en Iran, nous sommes devenus involontairement les ‘persons to be with’. Quant à Farouche, il est une vraie vedette dans ce pays où les animaux de compagnie sont interdits. 

On remarquera sur les photos 11 et 12 les briques de bouses séchées destinées à chauffer les habitations de ce plateau situé à 1900m. d'altitude.

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208-Gasoil et monnaie

Partis de St Thaddée, nous longeons sur 140km le lac salé Orumiyeh (ou Urmia). Plus grand lac d’Iran, il voit sa superficie se réduire d’année en année par suite du réchauffement climatique et de l’irrigation à outrance. Sa surface s’est réduite de 90% entre 1970 et 2014. L’eau est maintenant très loin des rives dont les accès sont difficiles par suite des constructions et barrières, et nous ne pourrons y accéder.
Vient le problème du remplissage du réservoir de gasoil. Dans la ville de Miyandoab ( 140000hab.) toutes les pompes sont à court de gasoil. Il nous faut aller à 35km en direction de Burkan.
Il faut savoir que le gasoil est réservé uniquement aux camions. Les chauffeurs de ceux ci possèdent une carte individuelle, genre carte bleue, leur permettant de s’approvisionner. N’étant pas pourvu de cette carte, il faut soit emprunter celle d’un camionneur, soit utiliser celle des pompistes bienveillants, car certains refusent. Reste le règlement.
Au premier remplissage, nous ne connaissions pas le procédé et un camionneur nous a prêté sa carte moyennant le prix à la pompe de 10000 rials par litre soit 0,25€. Nous avions bien compris à leurs regards entendus que nous nous faisions un peu gruger, mais il nous fallait de ce précieux carburant difficile à trouver. Effectivement, par la suite, nous avons partout obtenu le gasoil à 6000 rials soit 0,15€. Il s’agit d’un prix spécial touristes, car le prix officiel est de 4000 rials. Mais, bon, à ce prix on ne va pas tergiverser.
Dans les faits les prix sont souvent affichés en tomans et non en rials, sachant que 1 toman vaut 10 rials.
Dans la vie courante, sur les marché et dans les boutiques, il faut bien se faire préciser s’il s‘agit de tomans ou de rials. Un peu de gymnastique d’esprit: 1€ à 40000 rials et donc un rial à 0,000025€. En résumé, 100 tomans = 1000 rials = 2,5 centimes d’euro. Vous suivez?
 Les billets sont en conséquence, avec des billets de 50000 et 100000 rials. soit 5000 et 10000 tomans. Une face en rials, une face en tomans. Rassurez vous, cela ne fait jamais que 1,25€ et 2,50€. Donc, grandes poches nécessaires pour ranger son argent. D’autant plus nécessaire que vous ne pouvez pas utiliser votre carte bleue, les relations bancaires entre l’Iran et le reste du monde étant coupées. Si vous allez en Iran, prévoyez suffisamment d’argent liquide car vous ne pourrez pas en obtenir sur place.

 

209-Takht-e-Soleiman

Takht-e-Soleiman et le piton volcanique en arrière plan
Takht-e-Soleiman et le piton volcanique en arrière plan

Sur la route de Takht-e-Soleiman, un site archéologique classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, nous faisons une halte repas à la ville de ShahinTesh. Ici aussi nous avons eu droit aux demandes de photos, mais au retour aux véhicules garés dans une rue tranquille proche du centre, cinq à six hommes nous attendent. Ce sont des commerçants des boutiques attenantes auxquels se sont joints deux hommes dont l’un porte un talkie walkie accroché à sa veste. Après les salutations d’usage, l’un d’eux nous demande nos papiers. Comme il ne parle pas anglais, je joins l’index et le majeur et je tapote mon épaule pour lui indiquer qu’il n’a aucun galon sur sa veste indiquant qu’il est un officiel. Il nous dit alors doucement « police secrète ». Nous lui tendons nos passeports et il téléphone, sans doute à ses supérieurs. Nos papiers sont en règle, mais il désire savoir depuis combien de temps nous sommes dans la ville et combien de temps nous restons. Après lui avoir indiqué que nous n’étions là que pour le restaurant et partions sur le champ, il poussa un soupir de soulagement. Petite visite des véhicules et au revoir. Tout ceci dans le calme et avec courtoisie. Ce sera le seul contrôle un peu pointu durant notre séjour en Iran. Les 3 ou 4 autres contrôles seront plus de courtoisie ou de curiosité que policiers, en général pour nous demander si nous avions besoin d’une aide quelconque.
De Thakht e Soleiman, il ne reste que des vestiges. Il reste peu de choses des murailles et des 38 tours construites autour d’un lac formé dans le cratère d’un ancien volcan. Son importance historique est due au fait qu’il est bâti sur l’emplacement d’un grand centre religieux.
A proximité du site s’élève un piton volcanique dont un sentier mène au bord du cratère surnommé le trou du diable.
Mais ce jour là fut aussi l’occasion de rencontrer un couple de kurdes iraniens avec qui nous avons passé la soirée à chanter. Lui parlait un français parfait appris dans les livres et regardant des films. Amateur des films dits de la nouvelle vague et des chanteurs des années soixante, il est poète amoureux de notre langue dont le rêve est d’écrire des poèmes en français. Le plus étonnant est que nous aurons plusieurs fois l'occasion d'être abordé par des iraniens, femmes ou hommes, qui se faisaient un point d'honneur à nous parler en français et pour lesquels, la France reste encore une référence.

210-Zanjan-Soltaniyeh

Nous flânons dans notre premier bazar iranien à Zanjan, où nous déjeunons dans un restaurant traditionnel en sous sol occupé par des hommes à deux exceptions près. Nous recevons un très bon accueil et des voisins de table, ou plutôt des voisins de tapis, nous invitent, Claude et moi, à tirer quelques bouffées de leur narguilé, que j’ai trouvé un peu insipide.
A une quarantaine de km de Zanjan, se trouve la mosquée de Soltaniyeh. Erigée en 1304, elle est visible de loin avec son dôme de 52m. de hauteur dont l’extérieur est recouvert de faïences turquoises. Elle est inscrite au Patrimoine mondial depuis 2005 et bénéficie d’un programme de restauration intérieure nécessitant un nombre impressionnant d’échafaudages. A l’entrée de la mosquée, un homme d’une soixantaine d’année nous accueille les bras ouverts en entonnant ‘il était un petit navire’, suivi du début de ‘la Marseillaise’ pour finir par ‘Cadet Roussel’. Il est enseignant et fait visiter le bâtiment à quelques élèves. Il parle un français parfait, tout comme Arezoo, une jeune femme de Téhéran, qui nous invite à venir bivouaquer chez son ami Fattah à quelques km de là. Nous préférons repartir car il est encore tôt et bivouaquons à la campagne près d’un petit lac. Une famille y pique-nique en attendant le coucher du soleil. Ainsi qu’on nous le proposera à de nombreuses occasions, cette sympathique famille nous invite à partager son frugal repas à base de pain et de pastèques.

211-Qom

Qom: le Mausolée de Fatima
Qom: le Mausolée de Fatima

La ville sainte de Qom se trouve à 150km au sud de Teheran. Cette ville de plus de 1M d’habitants est l’une des plus ‘religieuses’ de l’Iran, avec son grand séminaire chiite, le plus grand d’Iran, à l’égal de Nadjaf en Irak. Presque toutes les femmes portent donc le tchador noir et de nombreux mollahs déambulent en ville. C’est à Qom que se trouve le tombeau de Fatima Ma'sumeh, soeur du huitième imam, morte il y a douze siècles. Le mausolée est situé au centre ville, au coeur d’une esplanade ceinte de barrières gardées. Les hommes peuvent y accéder librement, contrairement aux femmes qui doivent revêtir un tchador dans une grande tente fermée, à l’entrée de l’enceinte. Martine et Nicole, comme toutes les femmes, ont dû se plier à cette obligation. Une femme à l'accueil tend, d'un geste ferme qui ne souffre d'aucune objections, des lingettes démaquillantes. Contrairement aux musulmanes, elles n’auront pas un vêtement noir, mais de couleur gris-beige clair imprimé de fleurs, très large, trop large pour elles, plus adapté aux morphologies germaniques, beaucoup plus nombreuses, d’après la guide, que les françaises. Nombreux n’est pas vraiment le terme, car nous étions ce jour là et à cette heure tardive les seuls visiteurs. Au bout d’une petite demi-heure, nos deux dames sont ressorties hilares dans leur accoutrement, accompagnées par une guide, obligatoire pour pénétrer dans l’enceinte du mausolée. Cette jeune femme d’environ 25 ans nous expliqua mielleusement en anglais qu’elle vivait depuis 17ans en Belgique, qu’elle était venue une première fois à Qom pour en apprendre plus sur la religion musulmane. Mais déçue, elle retourna en Belgique. Après quelques mois de réflexion, elle se décida à revenir à Qom pour suivre des cours de théologie auprès des maîtres, les ayatollahs. Maintenant, elle passe l’essentiel de son temps ici dans le but, une fois sa formation terminée, de revenir en Belgique prêcher ‘la bonne parole’. Etant accompagnés, nous avons eu l’autorisation de prendre des photos sur l’esplanade, mais nous ne fûmes pas autorisés à pénétrer ni à l’intérieur du mausolée avec sa coupole dorée, ni la mosquée du vendredi . Une fois sortis de l’enceinte sacrée, nous avons, une nouvelle fois, été interpellés par un enseignant de français qui déambulait avec sa famille et nous suivait depuis quelques minutes afin d’échanger quelques mots dans notre langue. Les fillettes sont ici parées du voile dès le plus jeune âge. Le choix du tchador noir se fera dans des boutiques spécialisées du bazar. Du noir au noir-noir en passant par le plus noir que noir. Nous n’avons pas très bien noté les différences, mais il y en a sûrement, vu l'importance du choix. Le nombre de magasins de souvenirs religieux doit égaler celui de Lourdes. Hormis les vêtements, l’ambiance générale n’est pas pesante et l’on se promène tout à fait tranquillement dans les rues de cette ville où dans les années soixantes, un certain ayatollah Khomeiny vînt s'installer pour préparer la 'Révolution islamique'.

212-Kashan

A une centaine de kilomètres au sud de Qom, l’atmosphère religieuse s’est bien affaiblie dans la ville de Kashan, trois fois plus petite que sa voisine du nord. De nombreux tchadors circulent encore mais des tenues occidentales font leurs apparitions. Des jeunes filles maquillées se promènent en jeans, vestes ou robes légères, et chaussures tennis. Le foulard est toujours de rigueur mais porté très en arrière de la tête et avec une telle décontraction dans les attitudes que l’on est surpris de la présence de ces jeunes femmes ici.
Notre première visite sera pour le jardin Bâgh-e Fin. Il n’est pas très grand, mais sa présence au milieu du désert alentour en fait un paradis pour des voyageurs qui avaient affronté la chaleur, la poussière, et les vents de sable du désert. Ce modèle typique des jardins persans avec ses arbres, ses fleurs, ses canaux et bassins d’eau fraîche, est classé au Patrimoine mondial depuis 2011.
Deux femmes nous abordent en français. L’une d’elle, discrète derrière ses lunettes noires et son foulard blanc a appris notre langue en Iran. Elle nous informe à notre grande stupéfaction qu’elle prépare une thèse sur Louis Ferdinand Celine!
Ce jeudi, il y avait beaucoup de monde, iraniens ou étrangers, et des groupes scolaires vêtus de la tenue de leur établissement comme le veut l’usage., par exemple, tenue bordeaux et foulard blanc pour les lycéennes que nous avons croisées.
Nous avons pu établir notre bivouac derrière la mosquée-madresseh Agha Bozorg, en pleine ville, dans une petite ruelle. Ici, peu de monde, la chaleur ambiante n’étant pas rafraichie par les canaux comme au jardin Fin. Le plan de l’ensemble est strict, sur 2 niveaux, avec un bâtiment principal encadrant une cour en contrebas centrée autour d’un jardin aménagé. Sous l’une des arcades, une famille était tranquillement installée sur des tapis afin d’y pique-niquer.
Mais Kashan fut jusqu’au 18ème siècle un centre important de commerce de tissus et tapis. De riches négociants ont bâti des demeures à la hauteur de leur fortune. Quatre maisons patriciennes font la renommée de la ville, dont notamment les plus importantes que sont la maison Borudjerdi et la maison Tabataba. La Maison des Borujerdi possède une tour à vent. Nous en verrons d’autres à Yadz plus au sud. Le principe est simple. Le vent pénètre dans la tour, descend vers les sous-sols dont la température est beaucoup plus basse, créant ainsi un courant d’air frais. Simple et efficace. Dans ces constructions de nos jours nommées ‘bio-climatiques’, les habitants vivaient l’été dans les pièces orientées au nord et l’hiver dans celles orientées au sud, permettant ainsi de mieux supporter des températures qui peuvent s’échelonner de plus de 40° l’été à zéro les nuits d’hiver.
Les boutiques du bazar ne sont qu’un pâle reflet des transactions qui avaient lieu à l’époque, mais les décors permettent de mieux percevoir l’importance que ce lieu revêtait.  Nous sommes étonnés d'y trouver aussi des boutiques de tableaux représentants des scènes de la royauté française. Nous en verrons également dans des bazars d'autres villes. Mais ce sont toujours les boutiques de bijoux qui remportent le plus de succès.

Une affiche en ville en ville a retenu notre attention. On y voit un bras badgé de marques américaines tentant d'ôter le tchador d'une gentille jeune femme. Un jolie affiche de propagande anti-américaine. Devant notre perplexité, un jeune couple s'est arrêté pour nous convaincre du bien fondé du message, non seulement le mari, mais également sa femme. A la question de Martine: 'pensez vous qu'en tant que européenne, nous sommes nous aussi des dévergondées?', il n'y aura pas de réponse. A Kashan, les deux faces du miroir sont  bien présents.
Nous avons eu un coup de coeur pour cette sympathique ville  à taille humaine où se côtoient des jeunes femmes en tchador et des jeunes femmes tentant courageusement de vivre au moins partiellement comme leurs mères d'avant la révolution islamique.

213-Maranjab

Caravanserail de Marandjab: Détail du plafond d'une coupole
Caravanserail de Marandjab: Détail du plafond d'une coupole

Kashan n’est qu’à 60km du caravansérail de Maranjab situé dans le désert Dasht-e Kavir. Un grand désert salé de 800km de long et 320 de large. Quelques massifs dunaires viennent ponctuer un plateau de pierres et de sable, peuplé de dromadaires. On accède au caravansérail par une piste assez roulante après avoir décliné notre identité au poste contrôle au début de la piste, moyennant un péage de 100000 réals, ou 10000 tomans si vous préférez, soit 2,5€. La jeunesse dorée de Téhéran vient goûter aux charmes de ce désert qui n’est qu’à 250km de la capitale. C’est ainsi que nous avons pu rencontrer des jeunes gens fort sympathiques qui pouvaient ici se laisser aller à des tenues vestimentaires moins rigoureuses: jeunes femmes en tee-shirts et tête nue. Et, surprise, l’une d’elle très souriante avec ses couettes m’a spontanément pris le bras pour la photo souvenir. Nous sommes loin de la rigueur de Qom. Nous faisons connaissance également avec un iranien respirant le bonheur dans son costume traditionnel.
Qui dit désert, dit peu de monde et Farouche a enfin pu s’en donner à coeur joie dans le sable.

Nous bivouaquerons une vingtaine de km plus à l'est, au pied de dunes imposantes, dans un silence absolu.

Au retour, nouvelle surprise. Nous rencontrons par hasard un groupe de 4 véhicules 4x4 adhérents de la même association de voyageurs que nous (CCRSM). Ce seront à peu près les seuls voyageurs que nous rencontrerons durant notre mois en Iran.

214-Abyaneh

Abyaneh, ou le village rouge, est un de plus pittoresques d’Iran. A 70km au sud de Kashan, il a gardé son authenticité même si l’on sent bien qu’il se transforme petit à petit en musée à ciel ouvert. Une heure matinale permet de visiter les ruelles de ce lieu prisé des touristes et classé au Patrimoine mondial. Ce sont principalement des anciens qui peuplent le village dont quelques femmes ont gardé leur costume traditionnel. Le dôme bleu d’une petite mosquée du 14ème rompt le ton rougeâtre des maisons dont la couleur varie plus ou moins au gré de la météo.

215-Ispahan 1

La place de l'Imam
La place de l'Imam
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216-Ispahan2

Le Bazar:

A l’autre extrémité de la place, le portail d’entrée du grand bazar fait pendant à celui de la Grande Mosquée. Ses centaines ou milliers de boutiques regorgent de tous les produits dont vous pourriez désirer, mais ce sont dans des boutiques à l’extérieur que vous pourrez acheter les célèbres miniatures d’ispahan, représentant souvent des scènes historiques peintes sur différents supports comme le coquillages nacrés, du parchemin, du bois ou de l’os. Hossein Fallahi est un miniaturiste mondialement connu comme l’attestent ses nombreux diplômes. Vous pourrez également vous familiariser avec les différentes qualités du safran dans des boutiques spécialisées où l’instrument de travail principal est la pince à épiler, vu la taille des brins de safran.

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217-Khargushi

Au départ de Ispahan, nous coupons à travers le désert pour atteindre Yadz , 350km plus à l’est, via le caravansérail Khargushi. C’est sur cette petite route, partiellement non goudronnée, sans aucune circulation, au milieu de nulle part, que nous croisons deux cyclistes français Romain et Benoit. Un peu fatigués par cette chaleur dans laquelle nous baignons, ils apprécient d’autant le peu de charcuterie et de vin qui leur sont proposés dans le véhicule Claude. Au fil des discussions, ils nous apprennent qu’ils participent parfois à des tournois de volley sur la plage d’excenevex au bord du lac Leman en Haute Savoie. Quel hasard! Hasard encore plus surprenant quand Romain nous apprend que le papa d’un des amis est médecin à Annemasse. Ah? et comment s’appelle t’il? Ca alors, c’est le médecin de notre fils! incroyable!
Mais le soleil ne va pas tarder de se coucher et il est temps pour eux de trouver un lieu satisfaisant pour bivouaquer. Bonne route à nos deux savoyards.

C’est à la nuit tombée que nous atteignons le caravansérail Khargushi. Nous avons failli le rater, car il est désaffecté et rien n’indique sa présence. Ses murs extérieurs sont en assez bon état, mais le temps a fait son oeuvre à l’intérieur. Par contre il a conservé sa remarquable toiture fait de nombreux dômes desquels on n’apercoit que le vide de l’horizon au delà du plateau de pierres et de sable sur lequel il est implanté.

218-Yadz

La ville de Yadz située entre les déserts Dasht-e-Kevir et Dasht-e Lut est une étape incontournable sur l’axe caravanier Moyen-Orient/Pakistan-Afghanistan. Venant du caravansérail Kargushi, nous y arrivons vers midi sous une chaleur étouffante. Contrairement à Ispahan et Shiraz que le Shah a voulu moderniser, Yadz a pu préserver ses vieux quartiers qui sont l’âme de la Perse. Malgré la température, nous ne résistons au plaisir d’une balade en ville qui nous mène d’abord vers la Mosquée du Vendredi. Datée du 14ème siècle, l’étroit portail d’entrée est encadrée de deux hauts minarets que l’on aperçoit de loin, l’ensemble étant magnifiquement décoré de faïences bleues et or. A coté de la mosquée se trouve le petit mausolée de Rockn od-Din, du 15ème siècle, dont la coupole est décorée de briques vernis dans les tonalités bleues vertes. Nous la découvrons en déambulant dans les ruelles de la vielle ville classée au Patrimoine mondial de l’Unesco.
Mais le bâtiment emblématique de Yadz présente son immense portail d’entrée sur la place Amir Chakhmaq. On pourrait croire à une mosquée, mais il s’agit d’un ancien théâtre aujourd’hui disparu et dont il ne reste que ce portail. La nuit, c’est un spectacle multicolore qui est proposé aux passants avec des jeux d’eaux qui sont un don inespéré de la nature ici, au milieu d’une région complètement désertique. Rappelons que le désert sableux du Lut est l’un des plus arides du monde, où ne figure aucune forme de vie. Nous avions l’intention d’y faire un tour mais la saison est beaucoup trop avancée pour pouvoir en supporter les températures.
La mosquée Amir Chakhmaq ouvre son portail sur le coté droit de la place. Sur le coté gauche, on aperçoit les Tours du vent de la Citerne qui assurent le rafraichissement de l’eau.
Au sud de la ville, une visite aux Tours du silence nous en apprend un peu plus sur la religion zoroastrienne. La mort est apportée par un mauvais Esprit et le cadavre ne doit pas souiller le sol, ni être en contact avec le feu qui sont deux éléments sacrés. Donc ni enterrement, ni crémation. Les corps sont amenés par des prêtres au sommet d’un tour en pierre où ils seront dévorés par les rapaces. Les os restants seront ensuite déposés au fond d’un trou central. Pratique interdite depuis 1975 et remplacée par la mise en caveau de ciments pour ne pas être en contact avec la terre.

219-Meyriz- Zin od-Din

Les jardins persans ont une renommée internationale et pour cette raison sont classés au Patrimoine mondial. Leurs origines remontent au temps de Cirrus le Grand, 6 siècles avant J.C. Ils ont influencés les jardins indiens et espagnols. Ils doivent répondre à 3 principes: être installés sur des circuits d’eau courante, être entourés de hauts murs, contenir un patio central ainsi qu’un bassin et des canaux. Les allées doivent être étroites afin d’être à l’ombre des arbres prévus à cet effet. Pour des habitants dont l’environnement habituel n’est que sable et pierres, un jardin persan est une représentation de l’Eden .
Le jardin de Meyriz à proximité de Yadz est l’un d’eux. Nous sommes un peu déçus par la petite taille du jardin et par l’absence de fleurs. Mais l’ombre de ses arbres et sa fraicheur procurent un sensation de bien-être d’autant plus bienvenue que tout autour, le sable et la poussière règnent en maître.
Un peu plus loin sur la route de Kerman, le caravansérail Zin od-Din élève ses murailles tout à coté de la route. Etape sur la route de la soie, érigé fin 16ème puis plus tard abandonné, un privé l’a transformé il y a peu en confortable hôtel de charme. Afin de retrouver un peu ( un tout petit peu) de l’atmosphère d’antan, les murs sont nus permettant de mieux visualiser la qualité du travail des artisans et les chambres ne sont séparées que par d’épais rideaux.
Pour l’anecdote, Zidane porte le même nom, francisé en Zinedine.

220-Meymand

A 80km de Zin O-Din sur la route de Kerman, nous bifurquons plein sud pour atteindre le village troglodytique de Meymand, classé au Patrimoine mondial. Ce village est habité depuis plus de 3000 ans dans une zone désertique. Après une visite du musée, nous voilà chez un couple qui nous propose du miel de leur production. Ceci nous permet de visiter une habitation traditionnelle, c’est à dire creusée dans la roche, sans meubles, des niches creusées dans le mur faisant office de rangement. En sortant nous faisons un tour dans un magasin lui aussi taillé dans la roche. Le lendemain, une visite plus complète sera effectuée avec un ingénieur iranien de passage, faisant office de traducteur. Ici aussi Farouche a fait forte impression et nous avons refusé une nouvelle fois les demandes d’achats.

221-Lac Tashk

Cap plein est pour Shiraz via le lac Tashk, salé et à demi asséché. Sur la route un arrêt proche d’un petit village isolé et nous voilà entouré d’une dizaine de personnes. Visite des véhicules et surtout photos de notre star à 4 pattes. Un peu plus loin, à l’approche du lac, un gros camion, chargé plus qu’il ne faut de pastèques, nous dépasse et s’arrête sur le bas coté. Nous n’y prêtons pas attention et quelques kilomètres plus loin nous arrêtons au bord du lac. Le camion s’arrête à nouveau, à coté de nous cette fois. Deux hommes viennent nous saluer avec un large sourire. L’un d’eux escalade le camion pour attraper tout en haut une grosse pastèque. En fait ils nous poursuivaient pour nous offrir la seule chose qu’ils avaient avec eux. Ne parlant pas leur langue, ils sont repartis satisfaits d’avoir pu rencontrer des étrangers et leur offrir un présent.
Quand on vous dit que les iraniens sont accueillants !…

Il y a des flamands sur le lac mais nous ne pouvons que les apercevoir avec des jumelles.
Nous quittons la route pour trouver un joli bivouac un peu isolé et proche du lac. Un orage éclate pendant la nuit et sommes contents d’avoir nos 4X4 pour nous sortir de la boue. Un véhicule tout terrain n’est pas indispensable pour voyager mais l’avoir est un plus dans ces moments là.

222-Pasargades

Pasargades est l’ancienne capitale du premier empire Perse fondé par Cyrrus II le Grand ( 559-529 avant Jésus Christ). Il n’en reste que des ruines sur un site très étendu. Seul le tombeau de Cyrrus II a pu résister au temps. La visite à pied de Pasargades permet de voir quelques fleurs ce qui n’est pas si courant en Iran. Mais il faut beaucoup d’imagination pour se faire une idée du site à l’époque. Darius Iér (522-486 av. J.C.) qui succède à Cambyse II (529-522 av.J.C.) choisira Persepolis comme capitale, à 70km de là, à mi chemin de Shiraz.

223-Persepolis

Point n’est besoin de présenter Persepolis qui nous faisait rêver lorsque l’on abordait les civilisations anciennes dans nos cours d’histoires en 6ème, au même titre que les Pyramides d’Egypte, l’Acropole d’Athènes ou le Colisée de Rome. Inscrit au Patrimoine mondial depuis 1979, le site est vaste et les monuments bien restaurés. Un escalier à deux rampes permet d’accéder au vaste plateau sur lequel est édifié le site où l’on pénêtre par la Porte des Nations. Partout les bas reliefs sont particulièrement bien conservés, ceux ci représentant souvent un lion attaquant un taureau ou des processions de gardes et de dignitaires. Au dessus du site , les deux tombeaux de Ataxerxes II et Ataxerxes III sont creusés dans la roche d’où l’on a une vue d’ensemble du site.
Darius Ier entreprend la construction de sa nouvelle capitale vers 518 av. J.C. à 500km de la capitale administrative de l’époque, Suse. La distance et l’isolement étaient murement réfléchis par Darius qui entendait ainsi symboliser sa puissance en obligeant tous les dignitaires et envoyés des états vassaux à effectuer le trajet jusqu’à Persepolis. D’autant plus symbolique que ce site n’avait aucune fonction administrative, commerciale ou d’habitation, mais était destiné uniquement à célébrer la fête du printemps, le 21 mars, jour de la nouvelle année solaire.
Alexandre le Grand prit facilement le site en l’an 330. La ville fut ensuite entièrement détruite mais jamais réoccupée. Les fouilles puis la remise en état n’ont commencé que dans les années 1930.
En octobre 1971, le Shah Reza Pahlavi fit planter une rangée d’arbres tout au long de l’avenue venant au site.  Il y organisa une fête spectaculaire pour les 2500 ans de l’Empire perse. Les excès de ces libations ont servi à l’Ayatollah Khomeini de justification à la préparation de la révolution qui entraina la chute du Shah le 16 janvier 1979.

224-Naqsh-e Rostam

Nous profitons de notre présence à Persepolis pour nous rendre à Naqsh-e Rostam à 7 km de là. Dans les falaises, Darius et trois de ses successeurs se sont faits creuser leurs tombeaux. De façon identique à ceux de Persepolis qui ont servi de modèles, ils sont en forme de croix avec une ouverture au centre, derrière laquelle se trouve la chambre funéraire. En dessous des tombeaux, des bas reliefs sculptés représentent principalement des cavaliers et font l'allégorie des rois victorieux.
Sur la place en face des tombeaux s’élève une tour carrée datée de Darius Ier, qui aurait servi à abriter le feu sacré.

225-Shiraz

Shiraz: au seul énoncé de ce nom, c’est toute une époque mythique qui apparaît. Ce nom, comme celui d’Ispahan, est ancré dans la mémoire collective des gens. Ispahan évoque la magnificence, Shiraz la douceur de vivre dans une oasis perdue du désert persan.

Après la découverte d’Ispahan, Shiraz nous paraît, à première vue, moins intéressante. La ville est plus petite, compte peu de bâtiments anciens et de jardins. Mais la ville mérite largement le détour. L’ambiance est plus provinciale, plus détendue. Nous n’avons eu qu’un tout petit aperçu de la cité avec la visite de la mosquée du Régent, le bazar Vakil et le jardin Bagh-e Eram. Mais ces trois lieux nous ont enchanté. C’est une ville ou il fait bon vivre et qui mérite un séjour beaucoup plus long. Avec Ispahan, Shiraz est incontournable.
Le centre est occupé par la citadelle de Karim Khan, qui ne se visite pas. Ses tours penchées et décorées abritent des bureaux de la municipalité.
La mosquée est dite du Régent car Karim Khan qui régnait au 18ème, préférait cette appellation à celle pompeuse de ‘Shah’. C’est pour nous une des mosquées que nous avons le plus appréciée avec sa salle composée de 48 piliers torsadés soutenant un plafond faïencé, et l’escalier menant à la niche dans le mur, taillé dans un seul bloc de marbre blanc.
Les commerçants du bazar sont sympathiques, et le lieu non dépourvu d’intérêt avec ses hautes voutes en briques.
Le Bagh-e Eram est un si magnifique jardin persan qu’il a été classé au Patrimoine mondial en 2011. Très apprécié des habitants de Shiraz, ils viennent en nombre goûter l’ombre des cyprès, l’odeur de la roseraie et la fraicheur procurée par son bassin. Au centre du jardin, un pavillon du 19ème orné de mosaïques se reflète dans l’eau du bassin. Un endroit idéal pour se faire photographier, ce dont ne se privent pas les visiteurs.

226-Zagros

Après un peu de wifi au ‘Parse hôtel’ à coté du parking où nous avons bivouaqué, nous commençons notre remontée vers le nord le long de la chaîne des monts Zagros en direction du pays Bakhtiyari. La longue traversée des faubourgs de Shiraz qui s’étirent sur plus de 25km ne présente que peu d’intérêt. Toutefois elle a été un peu animée grâce à une famille iranienne circulant en voiture et s’amusant à nous doubler et redoubler, et à gauche, et à droite, en fonction de la circulation, dans le seul but de nous saluer avec de larges sourires et de grandes gesticulations. Parenthèse fort sympathique qui aurait pu mal se terminer et qui s’arrêta d’elle même par la faute de la crevaison d’un de leurs pneus. Pris dans le flot de circulation à 3 voies se déplaçant entre 50 et 70km/h, nous n’avons malheureusement pu nous arrêter pour leur prêter main forte. Une fois de plus, la bienveillance et l’intérêt iraniens à l’égard des étrangers que nous sommes sont clairement mis en évidence. Les photos parlent d’elles mêmes.
Les rivières longeant la route du coté de Ardakan et Yasuj permettent une pisciculture artisanale. Celle ci se pratique dans des bacs cylindriques d’environ 3m de diamètre et 1 m de haut dans lesquels il suffit de se baisser pour ramasser de magnifiques truites, le sourire du patron en plus. En deux temps trois mouvements, il vous propose des filets qui auront tôt fait de finir dans l’assiette à l’étape du soir.
Nous traversons le village de Javanmardi, où nous sommes loin de passer inaperçus, et empruntons un chemin pour nous installer 2 km plus loin sur un terre plein le dominant.

Un beau coucher de soleil, du calme, personne à l’horizon, nous pouvons nous reposer de cette fatigante journée et préparer le barbecue. Las, comme la plupart du temps, l’isolement est de courte durée. Nous avons souvent constaté, surtout en Afrique, que même si vous vous pensez à mille lieux de toute civilisation, perdu en plein désert, moins d’un quart d’heure plus tard, vous êtes observé de plusieurs paires d’yeux qui, quelques instant après, viendront faire connaissance.
C’est ainsi que d’abord deux motos passent non loin en direction du village, puis une, puis deux voitures, chargées d’occupants, viennent tourner autour de nous. L’une d’elle s’arrête et commence à entreprendre une conversation, du moins si l’on peut appeler conversation un ensemble de mots, de gestes et de grimaces internationales qui permettent aux deux parties de se comprendre plus ou moins. Nous comprenons que cette sympathique famille va nous laisser manger tranquillement et qu’elle reviendra plus tard dans la soirée.
Après l’ingestion de ces délicieuses truites, nous attendons un moment et comme personne ne vient, nous réintégrons nos véhicules.
-Ah!- dit Claude -je crois que ce soir nous allons pouvoir dormir tranquille, loin des bruits des grandes villes-.
A peine nos lumières éteintes, nous entendons des tocs-tocs répétés sur le véhicule de Claude et  Nicole. Ceux-ci, très fatigués, ne répondent pas.
Puis vient notre tour. Nous décidons d’ouvrir bien qu’il fasse nuit noire.
C’est la famille de tout à l’heure qui revient comme elle nous l’avait dit: le grand père, la grand mère, la mère, les deux filles et le petit fils. Et nous voilà à huit dans notre cellule de 2m30.
S’ensuit une soirée mémorable de rires, de chants et de ‘youyous’ qui finit tard dans la nuit, Martine riant d’autant plus en pensant à nos voisins fatigués qui rêvaient de passer enfin une nuit dans le calme absolu.
Une fois de plus la magie de la rencontre de gens aux civilisations, aux cultures et aux langues complètement différentes avait fait son oeuvre.
Le lendemain, nous poursuivons en direction de Chelgerd, longeant des montagnes enneigées culminant à 4400m. De laiteux qu’il était jusqu’à présent, le ciel est devenu bleu depuis Shiraz. Après le sable et la sécheresse des déserts de l’est iranien, nous retrouvons avec bonheur maintenant la trilogie du bleu du ciel, du jaune du sol et du vert des cultures.

227-Sar Aga Seyed

Sar Aga Seyed est un village situé au fond d’une vallée reculée sans issue, inaccessible une bonne partie de l’année à cause de la neige. Il est donc resté à l’écart de la ‘modernité’ et n’a pratiquement pas changé depuis son origine. Une bonne raison d’aller voir de plus près ce dont il retourne. Nous ne nous doutions pas alors que deux journées riches en événements nous attendaient.
Depuis Chelgerd situé à 2300m. d’altitude, nous prenons une bonne piste roulante. Des familles de bergers backthiyaris ont dressé leurs tentes sur les coteaux de la montagne. A une quinzaine de kilomètres, une large langue de neige descend d’un sommet. A partir de là, le chemin rétrécit et devient plus chaotique sur les 30km. restant à parcourir. Par endroits, des femmes attendent patiemment l’un des vieux pick-up bleus faisant office de taxi qui les remmènera au village. A leurs pieds sont posées les récoltes de la journée enserrées dans des carrés de tissu dont les coins ont été noués. Chaque sac pèse près de vingt kilos. Nous poursuivons notre chemin jusqu’au moment où l'un des groupes de femmes nous fait signe de nous arrêter afin de nous demander de leur servir de taxi. Elles sont six avec leurs six chargements. Compte tenu de l’état de la piste et du fait que nos véhicule ont déjà atteint voire dépassés leurs charges limites, nous leur faisons comprendre que cela n’est pas possible. Au vu de leur insistance, nous cédons d'abord pour accepter une seule personne avec son sac. Devant le tollé provoqué pour leur choix de la chanceuse qui pourra monter, nous leur indiquons que nous acceptons deux personnes. Finalement nous décidons d’emmener les six femmes. Elles prendront place dans notre véhicule, leurs chargements dans celui de Claude et Nicole. Ceux ci ne peuvent prendre aucune personne à bord car il n’y a pas d’ouverture entre leur cabine et leur cellule et ne peuvent donc s'assurer que tout se passe bien dans la cabine arrière.
Nous voilà partis avec 8 personnes à bord, une surcharge d’environ 400 kg, sur une piste chaotique et glissante par endroits. La vitesse devient très réduite afin de ménager tout le monde et la mécanique. Nous atteignons enfin le col à 3600m d’altitude en vitesses courtes. Nous pensons être arrivé au village, mais que nenni. La piste redescend de l’autre coté de façon plus raide jusqu’au village, 1500m. d’altitude plus bas. Nous hésitons à poursuivre d’autant qu’il est déjà assez tard dans l’après midi. Nous passons entre des congères de 3 à 4m. de haut mais fort heureusement, point de neige sur la piste. Nous devons parfois nous y prendre à deux fois pour passer des virages en épingle en prenant garde de ne pas glisser dans le ravin. Claude et Nicole auraient bien voulu faire demi tour, mais assez loin derrière nous, sans moyen de communication, et avec les bagages de ces dames, voilà qui leur était difficile.
A l’intérieur de notre véhicule règne un brouhaha permanent. Un vrai poulailler. L’une des femmes parle très fort en gesticulant, détaillant avec ses collègues tout objet dépassant des pochettes de rangement sur les parois de la cellule. Martine est harcelée afin qu’elle lui donna soit son petit bracelet, soit ses chaussettes, soit ses lunettes, soit son foulard, soit tout autre objet qu’elle pouvait apercevoir. Et avec Farouche qui se débattait sur les genoux de sa maitresse ou coincé entre le siège et la cellule, la vie à bord est vite devenue un peu stressante.
Finalement, deux heures plus tard, à la nuit tombante, nous arrivons  très fatigués à Sar Aga Seyed. Ces dames descendent du véhicule et reprennent possession de leurs bagages véhiculés par Claude, arrivé quelques minutes après nous. Pour charger leurs lourds fardeaux, elles se mettent deux par deux. La première s’accroupit tandis que sa collègue lui pose sur le dos son chargement qu’elle retient par des lanières sur le front. Elle l’aide ensuite à se relever non sans peine, et ainsi , réciproquement. Quelques instants plus tard, après un bref remerciement, les voilà dispersées dans le village.
Reste à trouver un endroit pour bivouaquer. Ils ne sont pas nombreux. L’instituteur arrive fort à propos pour nous proposer deux emplacements devant l’école en haut du court chemin l’y conduisant. Un petit tour à l’entrée du village pour acheter quelques produits dont nous n’avons pas l’utilité mais qui permettent de nous faire connaitre, terminera cette journée bien chargée.
Le lendemain matin, au moment où nous nous apprêtons à visiter le village, nous voyons des femmes courir en poussant des cris. Au bout de la ‘route’ en descente, à 200m. de là, un des pick-up bleus est posé sur son coté gauche. Il était chargé de nombreuses femmes, plus d’une vingtaine d’après Claude qui les avait vu partir, se rendant au travail des champs. Mais la surcharge  était telle, que, au premier virage à la sortie du village, à l’endroit où la côte se redresse de façon importante, le véhicule a commencé à partir lentement en arrière, puis s’est posé sur le flanc. En voyant le nombre impressionnant de femmes sur le bas coté, nous nous attendons au pire. Mais, apparemment pas de morts, ni de blessés graves. Un premier groupe de huit à dix personnes remonte vers le village. Nicole et Martine se mettent à l’oeuvre pour aider comme elle le peuvent avec nos trousses de secours. Il n’y a pas de dispensaire au village, le centre de secours est à Chelgerd à plus de 2h. de ‘route’. Claude et moi nous rendons sur place pour effectuer un premier bilan. Plusieurs autres femmes sont présentes, indemnes mais un peu choquées. Des hommes analysent la situation. Le véhicule a peu souffert du fait de la faible vitesse dans les rocailles au moment du retournement, ce qui explique le peu de victimes parmi les passagères qui se tenaient toutes debout dans la benne et ont pu sauter à temps. Les hommes s’attachent à casser à coups de pioche un rocher qui gêne la remise sur pied du pick-up, et j’en profite pour aller chercher mon véhicule afin de sortir le pick-up de sa fâcheuse position. Pendant que ce petit monde s’affaire, un autre pick-up, très chargé, décide de passer entre un gros rocher et mon véhicule, à l’endroit où la piste fait un coude et amorce sa montée. Accélérateur à fond, le véhicule penche très dangereusement dans le virage et nous voyons le moment où il se coucherait lui aussi. Coup de chance, il passe de justesse. Ouf! Une petite heure plus tard, une de mes sangles attachée entre les 2 véhicules, le ‘taxi’ est remorqué sur 200m. jusqu’au sommet de la côte. Un coup d’oeil au moteur, quelques coups de marteau et le voilà reparti vers sa destination initiale. Ces véhicules bleus très rustiques, ainsi que leurs pilotes, sont impressionnants d’agilité, et à voir le flegme des personnes présentes, on se dit que ce genre d’accident fait partie de la routine des lieux. Les blessées seront prises en charge dans un autre pick-up car ce sont les seuls véhicules pouvant atteindre le village. Elles devront ainsi prendre leur mal en patience et supporter les secousses et l’inconfort d’un transport qui les emmènera au centre de santé de Chelgerd.
En milieu de matinée, nous pouvons enfin découvrir Sar Aga Seyed. Un jeune homme se propose de nous accompagner, ce qui s’avère très utile dans ce dédale de ruelles. Les toits des maisons sont les terrasses des maisons du dessus. Aucune barrière. Les enfants passent des toits aux terrasses sans problème apparent. Nous sommes l’attraction du lieu surtout Farouche. Il est entouré, caressé, tripoté. Heureusement il a très bon caractère et n’oppose pas  de résistance. Après avoir bu un thé offert par le jeune guide, nous reprenons la ‘route’ en sens inverse, direction Chelgerd. Reposés après une bonne nuit, sous un beau ciel bleu, délestés de nos six passagères et de leurs encombrants bagages, la route maintenant connue, nous parait beaucoup plus simple qu’à l’aller. Il nous suffit de moins de deux heures pour avaler les 45 km. nous séparant de notre point de départ. Nous profitons davantage du paysage. La fatigue de la veille avait un peu noirci le tableau d’un itinéraire qui n’était finalement pas très compliqué.
Au cours du trajet, nous arrivons lentement au niveau d’un berger, et de son âne qui le précède. Las, l’animal prend peur et s’enfuit. Et voilà notre berger, plus tout jeune, en train de courir après la bête, et ce sur plusieurs centaines de mètres. Au bout d’un moment il pose un sac sur le bas coté. Nous nous approchons. A l’intérieur un petit chevreau dont seule la tête dépasse. L’homme l’a déposé pour s’alléger dans sa course poursuite. Il revient enfin avec l’âne. Nous lui demandons où il va. Il revient de Sar Aga Seyed. Régulièrement pour faire ses achats, avec sa femme qui maintenant nous a rejoint, il emprunte la piste sur plusieurs kilomètres, descend un sentier jusqu’au fond du vallon, puis remonte les 5 à 600 m. de dénivelé sur le versant face à nous avec âne et provisions, pour redescendre de l’autre coté jusqu’à leur maison. Et nous qui trouvions la piste un peu fatigante avec nos montures, voilà qui remet les pendules à l’heure.
Revenus en ville, nous faisons connaissance de fiers représentants de la gent masculine locale, vêtus de blazers et pantalons noirs bouffants. D’autres hommes en costume local, tout aussi sympathiques, se joignent à nous pour terminer agréablement ce petit repas, avant de prendre la route pour tenter de trouver des champs de ‘tulipes renversées’. Voilà une énigme à résoudre.
 

228-Tulipes renversées

« Champs de tulipes renversées »: voilà qui nous intrigue.  Après avoir vainement cherché ce fameux champ de tulipes à l’endroit où il était censé se trouver, une jeune femme nous indique que l’on peut en voir près de la ville de Khonsar, à 2700m. d’altitude. Elles sont bien là, à l’aplomb de la montagne, dûment gardées et protégées dans ce petit parc naturel où l’on peut les observer à loisir. En fait, ce ne sont pas des tulipes mais des fleurs ressemblant à des tulipes dont les têtes sont dirigées vers le sol. Ces plantes  endémiques de couleur rouge orangée, d’environ 50 à 60 cm. de haut, tapissent le sol sur une surface très localisée. Nous avons de la chance car elles sont encore en floraison, bien que celle ci se termine. Leur vrai nom est le corona impérial. Nous ne regrettons pas le temps passé à les chercher. Voilà un bien joli bivouac sur fond d’une composition naturelle rouge et verte.
Nous poursuivons la route, plein nord, direction la mer Caspienne, en traversant la chaine de l’Elbrouz et évitant soigneusement l’énorme agglomération de Téhéran. Nous arrivons à Karaj où nous devons improviser un bivouac sur un trottoir à la sortie de la ville. Nous sommes vendredi et de nombreux  Téhéranais sont allés passer la journée au bord de la mer. Pour éviter les accidents lors des retours, la circulation est autorisée uniquement dans le sens nord-sud, de la mer vers la capitale, de 14h. à minuit. C’est l’occasion de rencontrer autour d’un frugal repas, un jeune informaticien qui attend comme nous l’ouverture du barrage de police. La discussion s’engage sur de nombreux sujets dont le port du voile. Contrairement à l’immense majorité des femmes rencontrées, il y est favorable, mais ne sait ou ne veut pas dire pourquoi. Il est vrai que ce n’est pas lui qui le porte.
Le lendemain, nous reprenons la direction de Chalus jusqu’à la Kandovan Pass à 2600m. où nous bifurquons à l’est pour nous approcher du ‘Damavand’, le plus haut sommet d’Iran qui domine Téhéran de ses 5610m. S’en suit une descente dans une verte vallée à 2100m. Nous y croisons Nouri. Il dit être ancien champion de ski iranien. Il a skié à Courchevel, fait du ski nautique à Monaco et maintenant pilote un avion privé près de Téhéran. Le long de la route, de petites tulipes sauvages, rouge, jaunes ou saumon ont réussit à se faire une place au soleil printanier. A Balaneh, cap de nouveau au nord en direction de Rayan au bord de la Caspienne. Pour y parvenir, nouveau col à 3100m. C’est là, en compagnie de ramasseurs de champignons, que nous attendons afin d’apercevoir dans un déchirement de la couverture nuageuse ce fameux Damavand. Attente récompensée, mais de très courte durée, car son apparition est très fugitive. Un joli cône enneigé qui fait penser au Fuji Yama pour les uns ou au Kilimandjaro pour les autres. La descente du col s’avère raide, traversant une épaisse couche de nuages. Plus bas de nombreuses maisons récentes occupent les pentes face à la mer. Un passage en forêt sur une route endommagée et nous longeons la Caspienne.

Déception! La grève est inaccessible, protégée par des maisons privées et des barrières. Au bout de 15 km., nous trouvons enfin ce que les iraniens appellent un camping, très loin des critères occidentaux. Mais il a le mérite de se trouver sur une des rares plages accessibles. Là, c’est le capitaine Malek qui nous interpelle. Il construit à Hamadan des bateaux de tourisme dont certains naviguent sur la Caspienne, et nous parle longuement des ses nombreuses réalisations et projets. Décidément, l’Iran est riche de rencontres imprévues et étonnantes.

 

229- Lahijan

Ce qui surprend le plus en longeant la côte de la mer Caspienne ne sont pas les nombreux stands de peluches le long de la route principale, quoique ….,  mais la succession de rizières et de plantations de thé. L’Alborz -ou Elbrouz- et ses 4000mètres , forme une barrière climatique entre le nord et le sud. Ainsi, Téhéran, à 115 km seulement à vol d’oiseau au sud de la côte, s’étend dans un paysage  semi désertique, alors que, coté mer, le climat chaud et humide provoque brumes et nuages, comme on l’a vu sur le précédent article. Les 600 km de côte, de l’Azerbaïdjan à l’ouest au Turkmenistan à l’est, reçoivent six fois plus de pluie que la capitale. La population locale a mis a profit ce climat subtropicale pour cultiver riz et thé. Le riz est la principale nourriture en Iran. Nous avons été très étonnés du fait que, si les marchés disposent de fruits et légumes divers, seul le riz est proposé en accompagnement dans les modestes restaurants que nous avons fréquentés. A noter que nous avons toujours trouvé sa cuisson parfaite. Quant au thé, il fait la célébrité de la ville de Lahidjan et ses 70000 habitants.

230-Massouleh

A une cinquantaine de kilomètres de la côte, on peut découvrir, à 1000m d’altitude, le pittoresque village de montagne de Massouleh . Ses maisons faites de bois, de pierre et d’adobe lui ont permis d’être inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, ce qui lui vaut d’être un lieu très touristique. Comme à Sar Aga Seyed, les toits des uns servent de terrasses aux autres. Mais l’importante fréquentation tend à lui faire perdre son caractère originel. Arrivés tôt le matin  avant l’ouverture des échopes, nous avons pu nous promener en toute tranquillité dans ce village encore endormi qui nous a un peu déçus.

Nous quittons Massouleh par une piste de montagne en direction de Kalkal. Et nous avons la surprise au passage d’un col à 2600m de ce joli parcours d’apercevoir des champs de myosotis qui seront pour Farouche l’occasion de se dégourdir les pattes dans ce très beau décor qui lui rappelle ses montagnes fleuries.

231-Tabriz

Une belle et bonne route nous amène à Tabriz dont les faubourgs commencent à environ 15km du centre. Nous trouvons assez facilement le parc Mossafer, lieu de rendez vous es voyageurs nomades. Sont déjà installés un couple d’allemands a bord d’un énorme camion, revenant de 2 mois passés à Oman avec leurs deux enfants de 2 et 4 ans. Ce petit parc, avec toilettes et eau, est une bonne base pour visiter Tabriz en prenant l’un des taxis dont le coût des courses est très faible. Tabriz et ses plus de deux millions d’habitants fut longtemps la seconde ville d’Iran. A 1450m d’altitude, la ville est un centre industriel et commercial de première importance sur l’axe reliant l’Iran à la Turquie. Mais invasions, tremblements de terre et épidémies, ont eu raison des monuments historiques qui sont maintenant peu nombreux. Le plus renommé est la mosquée bleue construite au 15ème mais qui a beaucoup perdu de sa splendeur passée. A coté se trouve le musée régional d’Adzerbaïdjan, nom officiel de cette province de l’est iranien, peuplée essentiellement d’azéris. A noter que aujourd’hui, l’azéri est la langue maternelle de 10 millions d’iraniens vivant dans le nord est du pays. Le musée abrite une belle collection d’objets archéologique ainsi qu’une salle réservée au sculpteur Ahad  Hosseini, né à Tabriz, auteur d’oeuvres monumentales spectaculaires et des soixante premières marionnettes des guignols de l’info. Mais Tabriz est surtout connu pour son bazar couvert, l’un des plus vastes du monde avec ses 75 hectares, ce qui lui permet son classement au Patrimoine de l’Unesco. A l’intérieur, on découvre non seulement des magasins, mais aussi 14 mosquées dont la principale, la mosquée du Vendredi.
Mais l’attraction qui a remportée le plus de succès est, sans contestation, Farouche. Noyé au milieu d’une foule de scolaires en promenade au parc, il est resté stoïque et n’a pas bronché. Il n’a pas signé d’autographes, mais ce n’est pas l’envie qui lui manquait. Une fois de plus il a refusé de nous quitter bien qu’il ait encore reçu des propositions pour changer de maîtres. Sympa, le chien!

232-Kandovan

Le but de notre journée sera le village troglodytique de Kandovan. Il se compose de genre de pains de sucre adossés à une paroi rocheuse. Une curiosité qui attire de nombreux touristes depuis Tabriz qui n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres. Mais le village troglodytique de Meymand (article 220) nous a paru beaucoup plus authentique.

233-Jolfa ( fin Iran)

Le monastère Saint Etienne - ou Saint Stephanos en grec- est proche de Jolfa, ville frontière de l’Azerbaïdjan. Une zone politiquement compliquée. L’Arménie coupe le pays Azerbaïdjan en deux parties, mais l’Iran dénomme aussi sa province du nord-est Azerbaïdjan de l’est. Ce qui fait trois zones dénommées Azerbaïdjan. Sans compter le Nagorno Karabakh occupé partiellement par l’Arménie, qui le revendique, et l’Azerbaïdjan qui le considère comme faisant partie de son territoire. On se souvient de la guerre du haut Karabakh entre 1988 et 1994 qui a fait plus de 1,2 millions de déplacés. L’ensemble de ces territoires sont peuplés d’Azéris qui, un jour ou l’autre, ne manqueront sans doute pas, à l’instar des Kurdes, de revendiquer une patrie. La rivière Araxe, qui fait office de frontière, est gardée de part et d’autre. Un poste de police iranien contrôle les passages sur la route Jolfa-Monastère, sur la rive sud de l’Araxe. Arrivés au monastère vers 17h, nous nous sommes installés pour bivouaquer, repoussant la visite au lendemain. Vers 18h, la police nous a demandé de retourner sur Jolfa par sécurité, à 15km de là. Le lendemain nous avons pu enfin visiter ce site classé au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008. L’église a été fondée à la même époque que Sainte Thaddée, du temps où les arméniens occupaient l’actuel nord est iranien. Son nom fait référence à Etienne, premier martyr chrétien.
Ce sera notre dernière visite en Iran. Nous nous rapprochons de la frontière arménienne pour la passer le matin comme nous avons l’habitude de le faire, ne connaissant pas la durée des formalités. Ce dernier bivouac sera passé agréablement en compagnie de 2 cyclotouristes français, 1 suisse et 1 allemand rencontrés sur la route. Le lendemain nos chemins se sépareront.

Nous quittons l’Iran à regrets. Le mois de visa est bien trop court pour appréhender l’ensemble du pays et des ses habitants. Nous avons été éblouis par la magnifique Ispahan, la sympathique Kashan, la religieuse Qom, l’historique Persepolis, le désert du Kevir, les montagnes du Zagros et de l’Alborz, et bien d’autres lieux, mais plus que tout,  l’accueil de ses habitants que nous n’avons trouvé nulle part ailleurs.
Maintenant, une autre civilisation nous attends. 

La chiite Perse cède la place à la chrétienne Arménie.