212-Kashan

A une centaine de kilomètres au sud de Qom, l’atmosphère religieuse s’est bien affaiblie dans la ville de Kashan, trois fois plus petite que sa voisine du nord. De nombreux tchadors circulent encore mais des tenues occidentales font leurs apparitions. Des jeunes filles maquillées se promènent en jeans, vestes ou robes légères, et chaussures tennis. Le foulard est toujours de rigueur mais porté très en arrière de la tête et avec une telle décontraction dans les attitudes que l’on est surpris de la présence de ces jeunes femmes ici.
Notre première visite sera pour le jardin Bâgh-e Fin. Il n’est pas très grand, mais sa présence au milieu du désert alentour en fait un paradis pour des voyageurs qui avaient affronté la chaleur, la poussière, et les vents de sable du désert. Ce modèle typique des jardins persans avec ses arbres, ses fleurs, ses canaux et bassins d’eau fraîche, est classé au Patrimoine mondial depuis 2011.
Deux femmes nous abordent en français. L’une d’elle, discrète derrière ses lunettes noires et son foulard blanc a appris notre langue en Iran. Elle nous informe à notre grande stupéfaction qu’elle prépare une thèse sur Louis Ferdinand Celine!
Ce jeudi, il y avait beaucoup de monde, iraniens ou étrangers, et des groupes scolaires vêtus de la tenue de leur établissement comme le veut l’usage., par exemple, tenue bordeaux et foulard blanc pour les lycéennes que nous avons croisées.
Nous avons pu établir notre bivouac derrière la mosquée-madresseh Agha Bozorg, en pleine ville, dans une petite ruelle. Ici, peu de monde, la chaleur ambiante n’étant pas rafraichie par les canaux comme au jardin Fin. Le plan de l’ensemble est strict, sur 2 niveaux, avec un bâtiment principal encadrant une cour en contrebas centrée autour d’un jardin aménagé. Sous l’une des arcades, une famille était tranquillement installée sur des tapis afin d’y pique-niquer.
Mais Kashan fut jusqu’au 18ème siècle un centre important de commerce de tissus et tapis. De riches négociants ont bâti des demeures à la hauteur de leur fortune. Quatre maisons patriciennes font la renommée de la ville, dont notamment les plus importantes que sont la maison Borudjerdi et la maison Tabataba. La Maison des Borujerdi possède une tour à vent. Nous en verrons d’autres à Yadz plus au sud. Le principe est simple. Le vent pénètre dans la tour, descend vers les sous-sols dont la température est beaucoup plus basse, créant ainsi un courant d’air frais. Simple et efficace. Dans ces constructions de nos jours nommées ‘bio-climatiques’, les habitants vivaient l’été dans les pièces orientées au nord et l’hiver dans celles orientées au sud, permettant ainsi de mieux supporter des températures qui peuvent s’échelonner de plus de 40° l’été à zéro les nuits d’hiver.
Les boutiques du bazar ne sont qu’un pâle reflet des transactions qui avaient lieu à l’époque, mais les décors permettent de mieux percevoir l’importance que ce lieu revêtait.  Nous sommes étonnés d'y trouver aussi des boutiques de tableaux représentants des scènes de la royauté française. Nous en verrons également dans des bazars d'autres villes. Mais ce sont toujours les boutiques de bijoux qui remportent le plus de succès.

Une affiche en ville en ville a retenu notre attention. On y voit un bras badgé de marques américaines tentant d'ôter le tchador d'une gentille jeune femme. Un jolie affiche de propagande anti-américaine. Devant notre perplexité, un jeune couple s'est arrêté pour nous convaincre du bien fondé du message, non seulement le mari, mais également sa femme. A la question de Martine: 'pensez vous qu'en tant que européenne, nous sommes nous aussi des dévergondées?', il n'y aura pas de réponse. A Kashan, les deux faces du miroir sont  bien présents.
Nous avons eu un coup de coeur pour cette sympathique ville  à taille humaine où se côtoient des jeunes femmes en tchador et des jeunes femmes tentant courageusement de vivre au moins partiellement comme leurs mères d'avant la révolution islamique.