250-Tbilissi (début Géorgie)

Le mardi 30mai 2017, nous quittons notre bivouac de Aktala et franchissons les 15km qui nous séparent de la frontière Arménie-Géorgie. Rarement cela aura été aussi facile. Des deux cotés de la frontière, les fonctionnaires sont aimables et en une demi-heure, les formalités sont accomplies. Un record. Petit repas à Sadaklo à 5km de la frontière et en route. Las, trente kilomètres plus avant, je m’aperçois que j’ai oublié mes lunettes de soleil de vue au restaurant. Moment d’émotion. En nous voyant revenir, la serveuse vient à notre rencontre avec la boite de lunettes et un grand sourire. Encore merci à cette charmante dame.
Arrivée à Tbilissi à 17h, dans un intense flot de circulation. L’ambiance générale nous amène à penser que nous sommes en Europe. En 70km, nous avons fait un bond en avant dans le temps en passant de l’Arménie à la Géorgie.
La Géorgie, c’est 5 millions d’habitants sur 69500 km2, soit la population et la surface de l’Irlande. A comparer avec les 29800 km2 de l’Arménie et ses 3 millions d’habitants. Le tiers de la population vit à Tbilissi et sa couronne.
Le fait pour l’Arménie d’être enclavée, sans accès à une mer, sans pétrole, et dotée de conditions climatiques difficile, est un sérieux handicap. De plus, le génocide de 1915 a provoqué la fuite d’une grande partie de la population. On estime que la moitié des arméniens vit à l’étranger.
Si la Géorgie dispose d’un accès à la mer noire, de pétrole, de bien meilleures conditions climatiques, elle a aussi ses problèmes, principalement d’ordre politique. Les deux républiques autonomes de l’Abkhasie à l’ouest et de l’Ossétie du sud, au centre nord du pays, ont fait sécession de l’Etat géorgien respectivement en 1990 et 1992. Elles sont non reconnues par la communauté internationale, mise à part la Russie dont l’armée occupe le pays depuis 2008. La Géorgie se tourne donc de plus en plus vers l’Occident, demandant même son intégration à l’OTAN.
Notre recherche de bivouac, nous amène sur le parking du Hall des services publics, un bâtiment qui surprend par sa modernité. Excellente base pour rayonner dans le centre ville. Ce que nous ne manquons pas de faire dès notre arrivée en remontant l’avenue Rustaveli, les Champs-Elysées de Tbilissi. Connaissant la réputation du vin géorgien, un arrêt dans une vinothèque s’est vite imposée.
Le lendemain, recherche d’une laverie. Et là, ce n’est pas gagné. Heureusement un chauffeur de taxi s’est démené comme un beau diable, ne comptant pas son temps, pour nous en dénicher une dont voici le point gps : n41°71261-e44°80347.
Visite immanquable, la cathédrale Saméba de la Trinité, siège de l’Eglise orthodoxe de Géorgie. Cette construction géante des années 2000, qui domine la ville du haut de ses 84m, fait débat non seulement par son esthétique contraire aux habituels canons orthodoxes, mais aussi par le fait qu’elle est bâtie au coeur du quartier arménien, sur le cimetière arménien lui-même. De longs escaliers donnent accès à différents niveaux sous terrains de même surface que le rez de chaussée, dont une immense crypte où sont également donnés des offices.
Les églises sont très nombreuses à Tbilissi et bien remplies à l’heure des messes.
La vieille ville dominée par la forteresse de Narikala contient de nombreuses maisons typiques avec leurs balcons en bois, mises en valeur le soir venu par des éclairages multicolores. La principale rue de la vieille ville, la rue Léssélidzé, est étroite mais pleine de vie avec ses boutiques et restaurants. Elle est aussi le rendez vous de la jeunesse, comme nous avons pu le constater avec un groupe d’étudiants en tenue de soirée, fêtant leur promotion de fin d’année.
Au bout de la vieille ville, changement d’ambiance avec le quartier musulman, ses bains et sa mosquée.
Nous déambulons avec plaisir et très librement en ville, comme dans n’importe quelle ville d’Europe. Nous n’avions pas d’idée préconçue sur la Géorgie et en sommes très favorablement surpris.

251-Mtskhéta

A 15km de Tbilissi, la ville de Mtskheta fut la deuxième capitale chrétienne de l’Histoire après Erevan et pendant des siècles le centre religieux de la Géorgie. La cathédrale de Svetitskhoveli bâtie au XIème siècle resta la plus grande de Géorgie jusqu’à la construction au début des années 2000 de la cathédrale Sameba de la Trinité à Tbilissi. L’endroit est très touristique. Une rue de construction récente comprenant des boutiques et un hôtel-restaurant mène à la cathédrale protégée de remparts. A l’entrée de l’enceinte, un prêtre arrose généreusement les fidèles de son goupillon trempée dans un seau d’eau bénite. Pour les géorgiens, Mtskheta reste le coeur spirituel du pays.  Baptêmes et mariages se succèdent en ce lieu emblématique.

252-Jvari

Nous poursuivons la route plein nord en direction de la frontière russe. A 66km de Tbilissi, le fort de Ananouri se dresse au dessus du lac Jinvali. La vue de la tour fortifiée et des églises qui composent ce complexe photogénique, figure souvent sur les images de Géorgie. En ce 1er juin, malgré un lac faiblement remplie, le site vaut bien un petit arrêt, sur la route du col Jvari. Un kilomètre avant le col nous avons dû patienter près d’une demi heure pour laisser passer un troupeau de moutons dont nous ne voyions plus la fin. Interminable. Surement largement plus d’un millier de moutons.
Le col de la croix (Jvari) sépare géographiquement à 2380m. d’altitude, le  sud Caucase du nord Caucase. Un bivouac un peu frisquet ici, à coté d’une plateforme dominant la vallée. Ce monument couvert de peintures, célébrait l’amitié  russo-géorgienne. Mais cela était avant l’invasion par la Russie en 2008 des provinces Abkhase et Sud-Ossète. Nous repasserons ici dans 2 jours car la route depuis Tbilissi longe l’Ossétie du sud dont la frontière n’est pas franchissable et mène à la frontière russe, elle aussi fermée aux étrangers. 
 

253-Guergeti

Notre but n’est pas la frontière mais l’église Guergeti. Une belle route redescend de l’autre coté du col vers Stepantsminda. A 1700m d’altitude, la ville occupe un très beau site au pied du mont Kazbek (5047m). Elle est le point de départ de nombreuses randonnées en montagne, mais surtout, elle est le point de départ de la piste menant à l’église Tsminda Saméba de Guergeti. L’église du XIVème siècle est petite, mais située à 2170m sur un promontoire avec le Kazbek en toile de fond, elle est devenue un des emblèmes les plus connus de la Géorgie. Nous avons laissé nos véhicules afin d’épargner nos cellules et nous avons très bien fait, car le chemin forestier qui y mène est étroit et en très mauvais état. Un des nombreux petits 4X4 Mitsubishi attendant les clients fera notre affaire. Le ciel couvert ne nous a pas permis d’immortaliser la photo souvenir que l’on trouve dans tous les guides touristiques, mais cela restera un excellent souvenir. Vingt kilomètres nous séparent de la frontière russe et nous ne manquons d’aller voir ce qu’il en est. La route traverse le défilé du Darial . Les conditions climatiques locales nécessitent des travaux permanents notamment la dernière portion. A la vue des baraquements de la douane, nous rebroussons chemin.

254-Gori

Maison natale de Staline
Maison natale de Staline

Au retour depuis la frontière russe, le ciel se dégage un peu et laisse entrevoir le mont Kazbek. Quelques rayons de soleil mettent en valeur les petits villages le long du parcours. Petit détour dans le parc national Kazbegi où un troupeau de mouton nous barre la route. Tout ce qu’il y a de plus habituel, mais les cornes d’un bouc ne le sont pas. Une magnifique vrille qui ne doit pas lui faciliter la tache pour brouter.
Nous évitons Mtskheta et la grande route de Gori pour prendre une petite route au milieu des vignes, qui nous mène tout droit à Uplistsikhe.

Datée d’environ mille ans avant Jesus Christ, cette ancienne ville troglodytique est un des plus anciens lieux occupés par les humains de tout le Caucase. Ces grottes creusées dans le calcaire étaient autrefois une étape sur la route de la soie. Le site bien conservé domine la verte vallée de la Koura.
A quelques kilomètres au sud de Uplistsikhe, l’église de Atenis Sionis, érigée au VIIème siècle, est le but d’une courte excursion au fond de la vallée d’Ateni. Un lieu très calme dans une ambiance bucolique. En réfection, entourée de vignes, c’est plus le lieu que l’église elle même qui présente un intérêt.
A dix kilomètres de là, Gori est connu pour être la ville de naissance de Joseph Staline. Dans le cadre de la déstalinisation, sa statue a été enlevée de la place Staline en 2010. Par contre le musée qui lui est dédié est bien là, juste derrière sa maison natale protégée par un bâtiment qui la surmonte. Y sont exposés, façon soviétique, le peu de biens de Staline, son bureau, mais aussi de nombreux cadeaux du monde entier, dont ceux des Partis communistes français et italiens.
Prochaine étape, Kutaisi. Nous empruntons la petite route 130 et visitons au passage la petite église de Samtsevrisi dont les fresques éclatent de couleurs, tout comme les paysages alentours.

 

255-Kutaïssi

Gelati
Gelati

Serpentant entre des des collines bien vertes, une bonne route conduit à Koutaïssi, la deuxième ville de Géorgie avec ses 230000 habitants. Le col Rikoti où nous bivouaquons n’est qu’à 1000m d’altitude. Depuis qu’un tunnel permet d’éviter ce col, l’hôtel-restaurant du sommet est à l’abandon et ce n’est pas la circulation qui nous a dérangé.
Koutaïssi, installée dans une boucle de la rivière Rioni, est dominée par la cathédrale Bagrati qui la surplombe. La ville qui fut autrefois industrielle et commerciale a perdu de son importance économique, mais reste une étape sympathique. Si la ville est assez dense en construction, de petites maisons agrémentent le paysage forestier des collines alentours. La fontaine Colchis est une des attractions touristiques de la ville avec ses deux chevaux dorés trônant fièrement au dessus de jets d’eau et de nombreuses statuettes d’animaux. Mais ce sont la cathédrale Bagrati et les deux monastères de Motsaveta et Gelati qui sont le fer de lance du tourisme de Koutaïssi. Les ruines de la cathédrale du XIIème siècle étaient classées au Patrimoine mondial de l’Unesco, mais en 2010, le Président Saakachvili décida de rénover le site de façon contemporaine mélant verre et acier, de façon à symboliser la modernité du pays et de son Président. L’Unesco n’apprécia pas vraiment cette reconstruction faisant fi des valeurs de conservation du Patrimoine, et en 2013, retira le monument de sa liste.
Sur le site nous avons été abordé par un groupe de trois hommes en costume local, qui, moyennant pécule, nous ont interprété quelques chants géorgiens en musique et ‘a capella’. Un retour sur la place aux chevaux et nous voilà au petit restaurant El Paso pour y déguster les fameux Khinkalis arrosés d’un vin blanc local. Les Khinkalis géorgiens sont de gros raviolis présentés sous forme de petites sacoches resserré au sommet. Fabriqués avec des farines de céréales autres que le blé, ils sont en général fourrés d’un mélange de viande hachée et de purée de pommes de terre beurrée.
A 6km de là, le monastère Motsameta perché sur un piton rocheux émerge de la forêt. Fondé au VIIème siècle, mais actualisé au XVIIIème, il domine un canyon dans lequel deux frères auraient été jetés par les armées arabes. Les fresques à l’intérieur du monastère, sont frappantes par  la vivacité de leurs couleurs. Les habitations des moines sont situées un peu en dessous du monastère.
A 11km de Koutaissi, le monastère de Gelati fut un temps le plus grand centre intellectuel du pays. Depuis le XVIème siècle, il est le siège du Patriarcat de Géorgie occidentale. Contrairement à Motsameta, les fresques de style byzantin semblent plus en rapport avec l’âge de l’édifice. L’ensemble du site contient un clocher et trois églises dont la principale, érigée à partir de 1106, est dédié à la Vierge. Le moine qui surveillait l’édifice avait bien du mal a garder les yeux ouverts, et on le comprend, avec la chaleur qui règnait en ce mois de juin.

Lire la suite

256-Mestia

Nous souhaitons nous rendre en Svanetie pour voir les tours défensives de Mestia au pied du mont Ouchba (4710m). La Svanetie est une région très reculée au nord ouest de la Géorgie, adossée aux contreforts des plus hautes montagnes du Caucase, dont le mont Chkara (5200m).  Inaccessible une bonne partie de l’année à cause des intempéries, la région est en cours de développement depuis que le Président Saakachvili en 2004 a décidé de la livrer aux touristes plutôt qu’aux clans mafieux qui y régnaient.
Pour y accéder, la route principale passe par la ville de Zugdidi plus à l’ouest. Nous avons préféré couper en diagonale par de petites routes campagnardes, via Khoni, et la forteresse de Nokalaveki où nous avons bivouaqué. Et nous ne regrettons pas ce circuit. Un paysage bucolique de prés entrecoupés de petites propriétés proprettes aux maisons dont le style laisse penser un peu à celles de Louisiane, et où veaux, vaches, cochons, déambulent nonchalamment sur la route. Un aspect de tranquillité éternelle qui tranche avec l’agitation des villes.
A Khobi, nous prenons plein nord une route secondaire et nous arrêtons à une fontaine naturelle pour pique niquer. Un policier nous rejoint à bord de son hilux pour connaitre nos intentions. Un propos amical. Nous lui indiquons que nous repartons d’ici une heure, le temps de déjeuner. Il va rester stationné à coté de nous en sommeillant dans son véhicule. Une heure plus tard, il nous précède pour nous indiquer la route à suivre. Vingt kilomètres plus loin, il s’arrête et nous indique de suivre une nouvelle escorte qui nous attendait. Ceci jusqu’au bourg de Tsalenjikha où les policiers nous indiquent la direction de Lia à 8km de là pour rattraper la route principale. Nous ne saurons pas s’il s’agissait d’un comité de surveillance, ou, tout simplement, de sympathiques policiers zélés faisant office de guides touristiques.
Nous pénétrons bientôt dans la vallée encaissée de la Svanétie comme nous l’indique un panneau. Il fait très beau et un nuage de chaleur nous cache les sommets environnants. Les traditions agricoles perdurent avec l’utilisation d’animaux de bât aussi bien pour les travaux des champs que pour tracter des luges en bois, moyen de transport économique et passe-partout fort utile dans cette région que la modernité n’a pas encore touché. Bientôt les premiers villages à tours défensives apparaissent, mais c’est à Mestia, regroupement de plusieurs lieux-dits, que l’on en dénombre le plus. A 1500m d’altitude, la vallée s’élargit et s’ouvre sur les hautes montagnes. Toutes proportions gardées, Mestia est le petit Chamonix local et espère bien tirer son épingle du jeu avec le tourisme montagnard. De nombreuses maisons ont leur tour défensive, plutôt bien conservée, chacune comportant deux ou trois niveaux, accessibles grâce à de rustiques échelles en bois.
La vallée se prolonge jusqu’à Ouchgouli à 45km et 4h de 4X4. Protégé par l’Unesco, ce groupe de hameaux est couvert de tours défensives. En travaux à partir du premier col, nous avons choisi de fait demi tour à une quinzaine de km sur cette ‘route’ défoncée. Dommage, car nous aurions pu poursuivre la boucle permettant de revenir sur Koutaïssi.

257-Katskhi (Fin Géorgie)

Le retour de Mestia et de la Svanetie nous verra passer par le  piton de Katskhi. Un bloc calcaire d’environ 40m de hauteur et 15m de diamètre sur lequel a été trouvé un ermitage daté du IXème ou Xème siècle. Actuellement s’y trouve la petite église de Maxime le Confesseur. A ses pieds, une récente église est dédiée à Saint Siméon. C’est seulement à partir de 1944 que le piton a été étudié. On y accède par une échelle non accessible aux touristes pour des raisons de sécurité. Vision étonnante que cette maison en haut d’une tour surgissant de la forêt.
Notre dernière étape en Géorgie sera pour la ville thermale de Bordjomi. Elle a perdu de sa splendeur passée, du temps où Tchaïkovski, le prince Romanov, ou Maxime Gorki la fréquentaient. A réserver aux curistes qui trouveront à Bordjomi des hôtels et des soins de qualité à des prix défiants toute concurrence.
Le passage de la douane Georgie-Turquie se fera très facilement sur la route Vale-Posof, étant les deux seules voitures. Il n’en était pas de même pour les files de camions. Le seul souci a été l’assurance du véhicule de Claude dont la date mentionnée sur sa carte verte était dépassée, ayant quitté la France avant d’avoir reçu la nouvelle. Il en sera quitte pour en prendre une pour quelques jours, le temps de traverser la Turquie.
La Géorgie nous a laissé un bon souvenir par la facilité de circulation, le bon accueil de la population, la diversité des paysages et la gastronomie. Ce pays mérite largement un passage plus long qu’une dizaine de jours.