228-Tulipes renversées

« Champs de tulipes renversées »: voilà qui nous intrigue.  Après avoir vainement cherché ce fameux champ de tulipes à l’endroit où il était censé se trouver, une jeune femme nous indique que l’on peut en voir près de la ville de Khonsar, à 2700m. d’altitude. Elles sont bien là, à l’aplomb de la montagne, dûment gardées et protégées dans ce petit parc naturel où l’on peut les observer à loisir. En fait, ce ne sont pas des tulipes mais des fleurs ressemblant à des tulipes dont les têtes sont dirigées vers le sol. Ces plantes  endémiques de couleur rouge orangée, d’environ 50 à 60 cm. de haut, tapissent le sol sur une surface très localisée. Nous avons de la chance car elles sont encore en floraison, bien que celle ci se termine. Leur vrai nom est le corona impérial. Nous ne regrettons pas le temps passé à les chercher. Voilà un bien joli bivouac sur fond d’une composition naturelle rouge et verte.
Nous poursuivons la route, plein nord, direction la mer Caspienne, en traversant la chaine de l’Elbrouz et évitant soigneusement l’énorme agglomération de Téhéran. Nous arrivons à Karaj où nous devons improviser un bivouac sur un trottoir à la sortie de la ville. Nous sommes vendredi et de nombreux  Téhéranais sont allés passer la journée au bord de la mer. Pour éviter les accidents lors des retours, la circulation est autorisée uniquement dans le sens nord-sud, de la mer vers la capitale, de 14h. à minuit. C’est l’occasion de rencontrer autour d’un frugal repas, un jeune informaticien qui attend comme nous l’ouverture du barrage de police. La discussion s’engage sur de nombreux sujets dont le port du voile. Contrairement à l’immense majorité des femmes rencontrées, il y est favorable, mais ne sait ou ne veut pas dire pourquoi. Il est vrai que ce n’est pas lui qui le porte.
Le lendemain, nous reprenons la direction de Chalus jusqu’à la Kandovan Pass à 2600m. où nous bifurquons à l’est pour nous approcher du ‘Damavand’, le plus haut sommet d’Iran qui domine Téhéran de ses 5610m. S’en suit une descente dans une verte vallée à 2100m. Nous y croisons Nouri. Il dit être ancien champion de ski iranien. Il a skié à Courchevel, fait du ski nautique à Monaco et maintenant pilote un avion privé près de Téhéran. Le long de la route, de petites tulipes sauvages, rouge, jaunes ou saumon ont réussit à se faire une place au soleil printanier. A Balaneh, cap de nouveau au nord en direction de Rayan au bord de la Caspienne. Pour y parvenir, nouveau col à 3100m. C’est là, en compagnie de ramasseurs de champignons, que nous attendons afin d’apercevoir dans un déchirement de la couverture nuageuse ce fameux Damavand. Attente récompensée, mais de très courte durée, car son apparition est très fugitive. Un joli cône enneigé qui fait penser au Fuji Yama pour les uns ou au Kilimandjaro pour les autres. La descente du col s’avère raide, traversant une épaisse couche de nuages. Plus bas de nombreuses maisons récentes occupent les pentes face à la mer. Un passage en forêt sur une route endommagée et nous longeons la Caspienne.

Déception! La grève est inaccessible, protégée par des maisons privées et des barrières. Au bout de 15 km., nous trouvons enfin ce que les iraniens appellent un camping, très loin des critères occidentaux. Mais il a le mérite de se trouver sur une des rares plages accessibles. Là, c’est le capitaine Malek qui nous interpelle. Il construit à Hamadan des bateaux de tourisme dont certains naviguent sur la Caspienne, et nous parle longuement des ses nombreuses réalisations et projets. Décidément, l’Iran est riche de rencontres imprévues et étonnantes.